Ordonnance du Tribunal Administratif de Versailles du 7 février 2011 : Récupération du permis de conduire– suspension de la décision 48SI d’invalidation permis de conduire.

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Vous trouverez ci-dessous un jugement obtenu par le Cabinet le 7 février 2011 devant le Tribunal Administratif de Versailles dans le cadre d’une procédure de référé-suspension.
Monsieur G… est un jeune salarié d’une entreprise de pose et d’entretien de piscines en région parisienne. Son travail consiste à se rendre chez les clients de la Société afin d’installer ou d’assurer l’entretien de piscines, ce qui implique donc qu’il soit en permanence sur la route au volant de son véhicule professionnel.

L’invalidation de son permis de conduire a donc, à l’évidence, été vécue comme un véritable drame par M. G, lequel était persuadé de perdre son emploi si l’impossibilité de conduire devait se prolonger pendant le délai légal de 6 mois à observer pour tout conducteur subissant cette situation.

Il est peut être utile de rappeler brièvement les trois conditions exigées pour obtenir une récupération efficace du permis de conduire:

Ces trois conditions étaient réunies en l’espèce, et nous avons ainsi été en mesure de démontrer au Tribunal, pièces justificatives à l’appui, que sans son permis de conduire Monsieur G. risquait de perdre son emploi., situation caractérisant la situation d’urgence exigée par la Loi.

Le Tribunal administratif de Versailles a ainsi rendu, le 7 février 2011, une ordonnance de référé prononçant la restitution de permis de conduire de Monsieur G.

On peut ainsi observer que le Tribunal administratif s’est attaché avec soin à vérifier la réunion des trois conditions précitées permettant d’obtenir la restitution du permis de conduire.

En premier lieu, le Tribunal (page 2 dernier paragraphe) a examiné la nécessité professionnelle d’être titulaire du permis de conduire et constaté qu’”il ressort des pièces produites par Monsieur G ainsi que des propos tenus à l’audience que ses fonctions de chauffeur-livreur nécessitent la détention d’un permis de conduire et que la poursuite de l’exécution de la décision attaquée conduirait à son licenciement”, mettant ainsi en lumière la situation d’urgence du requérant, lequel ne peut que perdre son emploi si cette situation devait perdurer.

Nous avions en effet produit aux débats une attestation de l’employeur de Monsieur G, lequel avait été informé par son salarié de l’invalidation de son permis de conduire et avait bien voulu décrire la situation professionnelle de son salarié et expliquer l’impossibilité dans laquelle il se trouvait de conserver un employé confronté à une telle sanction.

Cette attestation de l’employeur, précieuse dans cette procédure administrative, n’est pas un document indispensable si les pièces fournies confirment par ailleurs ce risque pour la pérennité de l’emploi du requérant, lequel est présent pour tous les conducteurs professionnels.

En second lieu, le Tribunal administratif s’est attaché à vérifier que les infractions commises caractérisent pas un comportement inconciliable avec les impératifs de la sécurité routière: ”eu égard à la nature de deux des trois infractions et à la répartition dans le temps desdites infractions, la troisième en date du 2 août 2006 ayant entraîné un retrait de deux points opéré seulement par la décision du 48SI du 14 décembre 2010 invalidant son permis probatoire, soit plus de quatre ans après qu’elle a été constatée, la suspension précitée n’est pas inconciliable, dans les circonstances de l’espèce, avec les exigences de la sécurité routière; que d’ailleurs, il ressort du relevé d’information intégral produit par le ministre que M. G n’a commis dans cette période de plus de quatre ans qu’une seule infraction le 20 janvier 2009 pour excès de vitesse inférieur à 20 kms par heure”.

Le juge administratif a ainsi pu constater une pratique très courante de l’administration, consistant à n’opérer une perte de points que de longs mois voire plusieurs années après la commission de l’infraction.

Cette pratique intervient comme un véritable « piège” de l’administration, puisque l’automobiliste, même en possession d’un relevé d’information intégral récent, peut raisonnablement penser que plusieurs années après la commission de l’infraction, aucune perte de points ne peut plus intervenir.

Or, il n’existe aucune règle de prescription en matière de perte de points, ce qui laisse à l’administration la possibilité d’attendre quatre, cinq ou dix ans avant d’enregistrer une perte de points susceptible de provoquer l’invalidation du permis de conduire.

Ce véritable vide juridique, qui expose tout automobiliste à une invalidation de son permis à laquelle il ne pouvait s’attendre, a été sanctionnée en l’espèce par le Tribunal administratif, qui a constaté l’injustice de cette perte de points opérée après quatre années.

Une dernière observation, importante, peut être faite concernant l’examen par le Tribunal du doute sérieux quant à la légalité de l’invalidation du permis de conduire de Monsieur G (page 3 premier paragraphe).

La légalité de la décision administrative d’invalidation du permis de conduire repose notamment sur le respect par l’administration de son obligation d’information du conducteur relative aux pertes de points encourues.

En effet, lors de la constatation de l’infraction, l’administration est tenue d’informer l’automobiliste de ce que l’infraction commise est susceptible d’entraîner une perte de points sur son permis de conduire, cette information étant contenue dans le procès-verbal remis lors de la commission de l’infraction.

En l’espèce, le Tribunal administratif de Versailles a appliqué la jurisprudence du Conseil d’Etat, qui distingue selon que les infractions ayant entraîné l’invalidation ont été constatées au moyen d’un contrôle automatisé (de type radar automatique, par flash) ou dans le cadre d’une interception par les forces de l’ordre.

Cette distinction a été formulée par l’avis « SELLEM” du Conseil d’Etat en date du 20 novembre 2009 , qui énonce:

« Lorsqu’il est établi, notamment dans les conditions décrites au I, que le titulaire du permis de conduire a payé l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 du code de procédure pénale au titre d’une infraction constatée par radar automatique, il découle de cette seule constatation qu’il a nécessairement reçu l’avis de contravention. Eu égard aux mentions dont cet avis doit être revêtu, la même constatation conduit également à regarder comme établi que l’administration s’est acquittée envers lui de son obligation de lui délivrer, préalablement au paiement de l’amende, les informations requises en vertu des dispositions précitées, à moins que l’intéressé, à qui il appartient à cette fin de produire l’avis qu’il a nécessairement reçu, ne démontre avoir été destinataire d’un avis inexact ou incomplet”.

La jurisprudence distingue ainsi selon que l’infraction commise a été constatée au moyen d’un radar automatique, auquel cas il existe une présomption de respect par l’administration de son obligation d’information sur le risque de perte de points, et le cas où la constatation de l’infraction est accomplie par les forces de l’ordre, lesquelles interceptent le véhicule, hypothèse dans laquelle l’administration doit prouver que l’information relative aux pertes de points a effectivement été délivrée.

Cette distinction repose sur les modalités pratiques de délivrance de l’information précitée à l’automobiliste.

Lorsque l’infraction reprochée a été constatée au moyen d’un radar automatique, l’administration envoie automatiquement à l’automobiliste l’avis de contravention, lequel intègre systématiquement l’information relative aux pertes de points, accompagné de la carte de paiement.

Dans ce cas, l’administration n’a plus à démontrer le respect de son obligation relative aux pertes de points, dès lors que cette obligation est automatiquement observée vis à vis de l’automobiliste flashé.

En revanche, lorsque l’invalidation du permis de conduire repose sur une ou plusieurs infractions constatées lors d’une interception par les forces de l’ordre, l’administration reste tenue de démontrer, dans le cadre de la procédure administrative, que les forces de l’ordre ont informé l’automobiliste qu’il perdrait des points.

Car en pratique, cette information est délivrée sous la forme d’une case prévue à cet effet sur l’avis de contravention, laquelle doit être cochée par l’agent verbalisateur dans le cas où l’infraction commise entraîne une perte de points.

Cette action de l’agent verbalisateur consistant à cocher la case « retrait de points” du procès-verbal n’étant pas automatique, l’administration doit démontrer dans le cadre du recours contre l’invalidation du permis de conduire que l’automobiliste a effectivement reçu l’information légale et que l’ information légale n’a pas été omise par les forces de l’ordre.

Cette nécessité pour l’administration de produire dans le cadre de la procédure les procès-verbaux comportant l’information relative aux pertes de points a été confirmée récemment par le Conseil d’Etat dans son avis du 8 juin 2011 que nous avons déjà évoqué.

Le Conseil d’Etat a ainsi jugé récemment décidé qu’

« il incombe à l’administration d’apporter la preuve, par la production de la souche de la quittance dépourvue de réserve sur la délivrance de l’information, que celle-ci est bien intervenue préalablement au paiement. La mention, au système national des permis de conduire, du paiement immédiat de l’amende forfaitaire au titre d’une infraction relevée avec interception du véhicule n’est donc pas, à elle seule, de nature à établir que le titulaire du permis a été destinataire de l’information requise ».

Dans le cas de Monsieur G, ce dernier avait fait l’objet de plusieurs infractions constatées après interception par les forces de l’ordre, sans que l’administration n’ait apporté aux débats dans le cadre de la procédure de référé les souches des procès-verbaux comportant l’information relative aux pertes de points, de sorte que le Tribunal a pu caractériser un doute sérieux quant à la légalité de la décision administrative attaquée et prononcer sa suspension.

Il n’échappera pas à nos lecteurs la rapidité avec laquelle Monsieur G a récupéré son permis de conduire. Enregistrée le 20 janvier 2011 au Tribunal, la requête en référé suspension a été examinée à l’audience du 7 février 2011, l’ordonnance de référé ayant été rendue le même jour. En pratique, dès le 7 février 2011, Monsieur G a pu conduire son véhicule et reprendre son activité professionnelle.